Quelles sont les grandes tendances de l'automobile d'aujourd'hui ?
Cette question, je me la suis posée en octobre dernier à l'occasion du Salon de l'Automobile de Paris, le bien nommé Mondial.
Le déclin des segments traditionnels
Tout d'abord, vous l'avez certainement constaté, on assiste depuis plusieurs années à un déclin des berlines traditionnelles au profit de nouvelles catégories de véhicules. Ce fut tout d'abord assez simple, avec l'apparition des monospaces déclinés dans toutes les tailles, la montée en puissance des 4x4, des breaks, qui quittèrent leur statut d'utilitaire pour devenir souvent plus chics et tendance que la berline dont ils dérivent. Par exemple, la majorité des Volvo vendues aujourd'hui sont des breaks et non plus des berlines...
Les crossovers
Puis, tout a commençé à se compliquer : le mélange des genres et des catégories a donné naissance à ce qu'on appelle dans le jargon automobile les crossovers. Ainsi, les 4x4 ont quitté leurs habits de baroudeurs pour s'affubler de carrosseries qui évoquent les breaks. Le mélange des coupés et berlines a donné naissance aux coupés 4 portes comme le Mercedes CLS qui en est un exemple magnifique. Le nouveau Nissan Quashaï est également un crossover, mélange de SUV, de berline moyenne et de monospace compact.
Mercedes a été encore plus loin en inventant avec la Classe R un véhicule à mi chemin entre le SUV, le break, le monospace et la berline, sorte de mutant dont le résultat n'est d'ailleurs pas très probant à mon goût...n'ont-ils pas été trop loin, justement, dans le mélange des genres ?
Les conséquences de l'hypersegmentation
Cette hypersegmentation répond à une logique : animer le marché par l'offre de véhicules, donner envie en multipliant les modèes et concepts, permettre au client de se différencier de son voisin et coller à chaque profil de consommateur.
Tout ceci a eu pour conséquence une multiplication des modèles disponibles, déclinés en de multiples versions. Face à un marché à maturité, les constructeurs se doivent de faire tourner leurs usines : ils multiplient les modèles afin de dynamiser la demande de véhicules. Avec une double conséquence : d'une part, en multipliant les modèles, ils multiplient aussi le risque d'échec. D'autre part, les cycles de vie sont de plus en plus courts. On est bien loin des 23 ans de la Traction Avant ou des 20 ans de la DS...On arrive déjà en fin de cycle après deux ou trois ans, en attendant la nouvelle version.
Pour prolonger un peu la durée de vie d'un modèle, on crée des "incentives", on se livre à une guerre des prix et des remises, on vend à perte ou presque aux loueurs pour préserver ses parts de marché...ce cercle viscieux coûte très cher à l'industrie automobile : il rabotte les marges, réduit les rentabilités...c'est une véritable course en avant qui se terminera un jour: de plus en plus coûteuse, cette statégie de surenchère fera des victimes, assurément...en attendant, les constructeurs se rattrapent à l'international, grâce à des marchés émergents en forte demande d'automobiles. Mais jusqu'à quand ?...pour certains, la chute sera sévère et il n'est pas exclu que certains groupes ou certaines marques ne disparaissent...
En attendant, l'hypersegmentation franchit de nouvelles étapes...et toutes les combinaisons sont désormais possibles : les SUV coupés vont débarquer d'ici peu (BMW X6?), les breaks SUV sont déjà là : Dodge Caliber par exemple. Les berlines-cabriolet vont, paraît-il, effectuer leur come back après 70 ans d'absence (Peugeot Macarena ou plus récemment Mercedes-Benz Ocean Drive)...
Les coupés-breaks aussi, avec Audi et peut-être Volvo. Bref, nous sommes bien en présence d'une industrie qui pousse la demande en multipliant l'offre : il suffit pour s'en rendre compte d'ouvrir n'importe quel journal automobile actuel et de chercher les pages dédiées aux prix des modèles neufs : chaque marque ou presque commercialise au moins 10 modèles différents, parfois beaucoup plus : il existe sur le marché des centaines de versions, finitions et variantes. Consultez la même rubrique dans un Auto-Journal au début des années 60 : tout l'offre automobile tient sur une page, voire deux. Chaque marque commercialise 3 voire 4 modèles grand maximum...
La conséquence de cette multiplication de modèles est d'une part le racourcissement des cycles de vie, évoqué plus haut, et d'autre part une tension sur les coûts de production : plus de modèles, renouvellés plus souvent : il fallait s'en douter...
Face à cela, les constructeurs doivent faire preuve de beaucoup d'ingéniosité pour conserver leurs marges : soit ils arrivent à anticiper les tendances et sortent en premier le bon modèles que les autres vont suivre (exemple du CLS Mercedes-Benz), ce qui leur procure quelques mois ou années de tranquillité, soit ils se distinguent par un design fort et singulier (les marques allemandes sont assez fortes à cet exercice), soit encore ils réussisent à baisser considérablement les délais de conception (Renault vise 24 mois, contre près de 60 mois il y a 15 ans), soit enfin ils créent des usines plus flexibles et des systèmes de plateformes et de modules communs à différents modèles : c'est cette voie que tous les constructeurs ont suivi en Europe, certains ayant pris plus d'avance que d'autres (Volkswagen par exemple).
Qu'en est-il de l'évolution de la demande automobile ?
Les pays dits industrialisés ( Europe, USA, Japon) se caractérisent par des marchés auto arrivés à maturité, où la demande stagne. On compte en effet 500 véhicules pour 1000 habitants dans notre vielle Europe et nous n'irons guère au delà. Par contre la demande continue à augmenter fortement dans les pays dits émergents (de l'ordre de 7% par an). Il y a en Chine 3 véhicules pour 1000 habitants, et 4,5 en Inde : on le comprend aisément, c'est sur ces marchés que les constructeurs investissent massivement aujourd'hui. La production mondiale qui est actuellement de 55 millions de véhicules par an passera vraissemblablement à 70 millions d'ici 5 ans. On le voit, la perception que l'on peut avoir du marché automobile varie selon l'endroit où l'on se trouve : on peut avoir l'impression en Europe que l'automobile décline, en raison des multiples lobbies qui dénoncent son usage et de la saturation du marché : il suffit de se rendre en Chine pour avoir une vision bien différente du marché automobile...
Cette croissance de la production et du parc automobile dans les marchés émergents va avoir une conséquences facile à deviner : 50 % de la consommation de pétrole liée aux transports sera issue des pays émergents en 2020...
La transition est toute trouvée pour aborder le deuxième chapitre de cette note consacrée aux tendances de l'automobile : quelle énergie pour l'automobile de demain ? Vous découvrirez la réponse très bientôt dans la suite de cette note...
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