Nous avons abordé dans la première partie de cette note l'hypersegmentation de l'automobile qui caractérise nos marchés à maturité, et l'augmentation importante du parc automobile dans les marchés dits émergents. Mais, ces voitures, il leur faut de l'énergie pour circuler. Aujourd'hui, 97% de l'énergie utilisée par les transports est d'origine fossile : il s'agit du pétrole. Il suffit d'ouvrir un journal ou bien d'allumer la radio ou la télévision pour réaliser combien ce fameux pétrole est au coeur des préoccupations de la planète entière : d'une part, on redoute les évolutions de ses cours à chaque instant. On se souvient de 1973, où le premier choc pétrolier avait entraîné les pays occidentaux dans une crise durable : on s'est alors rendu compte de notre dépendance énergétique. Sans pétrole, rien ne va plus : plus de transports, de chimie, moins de chauffage, etc...
D'autre part, les gisements de pétrole se situent dans des zones géopolitiques instables, ce qui créé des tensions internationales (les Américains ne sont pas en Irak uniquement pour y rétablir la démocratie, si vous voyez ce que je veux dire...), et engendre des peurs : nous ne maîtrisons pas ce que nous consommons.
Enfin, le pétrole, énergie dite fossile, est montré du doigt pour sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre (CO2)...
L'expression "Pétrole : je t'aime, moi non plus", titre d'une note précédente, est donc particulièrement adaptée pour décrire notre relation à l'or noir. Alors, que va-t-il se passer pour le domaine qui nous intéresse aujourd'hui : l'automobile ?
Pas de révolution mais une évolution...le pétrole va continuer à être la ressource principale utilisée par les transports pendant encore de nombreuses années. Les réserves prouvées sont aujourd"hui de 90 à 120 milliards de barils. Certes, on parle de plus en plus du pic de production qui devrait être bientôt atteint, ce qui constitue un seuil psychologique important, mais les nouvelles techniques d'exploration devraient nous permettre d'extraire bientôt du pétrole là où un gisement était considéré omme épuisé ou non rentable il y a encore quelques années. Aujourd'hui, pour un baril sorti, deux restent dans le sous-sol ; demain le rendement sera bien meilleur et même les gisements de brut très visqueux seront rentables. Le prix du pétrole va donc vrassemblablement augmenter très progressivement, ce qui est logique vu qu'il va se raréfier. il connaîtra des pics soudains, liés aux peurs collectives et événements géopolitiques qui peuvent survenir. Aujourd'hui, les tensions internationales sont plus dangereuses pour l'offre de pétrole que les ressources en elles-mêmes.
Face à cette raréfaction progressive, l'homme trouvera en parallèle des énergies alternatives qui le remplaceront, et des technologies qui permettront de l'économiser.
1. Les carburants
De nombreux carburants existent déjà pour remplacer l'essence, mais aucun ne percera du jour au lendemain; tous ces processus sont longs et progressifs, donc, pas de panique !
Il en existe plusieurs, à commencer par le Gaz Naturel, autre énergie fossile mais encore abondante, au bilan CO2 "du puit à la roue" plus avantageux que le pétrole (-27%) mais restant finalement assez mauvais en raison des coûts d'extraction, de transport et de stockage importants. Le Gaz Naturel a été choisi par quelques collectivités locales. Il est proposé aux particuliers par quelques constructeurs comme Citroën en France mais les contraintes restent importantes et le phénomène devrait rester marginal.
On parle aussi beaucoup de l'hydrogène. Il existe deux manières principales de l'utiliser : soit directement dans un moteur thermique (comme par exemple la Série 7 Hydrogen de BMW), mais avec l'inconvénient d'avoir une puissance quasiment divisée par deux par rapport celle procurée par l'essence, soit en utilisant une pile à combustible qui transforme l'hydrogène en électricité : c'est cette voie qu'explorent en priorité la plupart des constructeurs. certains font rouler des prototypes depuis déjà plusieurs années, comme Daimlerchrysler par exemple.
Pour l'instant le coût de la pile à combustible est de 50 à 100 fois plus élevé que celui d'un moteur classique, mais les prix devraient baisser fortement dans les années qui viennent. Les plus optimistes (ceux qui y investissent) parlent d'une arrivée des premiers modèles de série à hydrogène vers 2012-2015. On peut en douter car l'hydrogène pose plusieurs problèmes : la fiabilité/sécurité, sachant que ce gaz est très dangereux et que les températures et pressions nécessaires à son stockage sont extrêmes, d'autre part l'autonomie encore trop faible, ensuite, le coût encore prohibitif des piles, et enfin, last but not least, les infrastructures très coûteuses et pour l'instant inexistantes. Cela fait quand même beaucoup pour voir apparaître l'hydrogène demain à la station service du coin sans compter que cette technologie semble inaccessible aux pays émergents alors que ce sont ces derniers qui connaissent le plus fort accroissement de leur parc automobile. Prudence donc avec l'hydrogène qui est une solution d'avenir mais qui n'est définitivement pas une solution de court terme, voire de moyen terme.
Que reste-t-il ? Le Flexfuel, biensûr ! La France l'a découvert sur le tard, alors que cette solution existe déjà depuis de nombreuses années au Brésil par exemple. Le principe est simple : mélanger l'essence avec de l'éthanol, entre 25% d'éthanol pur pour le E25, et 100% pour...l'E100. De nombreuses modifications sont nécessaires pour faire fonctionner un moteur à l'éthanol, en particulier en raison de ses propriétés plus corrosives que l'essence. Mais ces modifications n'augmentent pas beaucoup le coût de fabrication des moteurs, et le mode d'utilisation, de distribution ainsi que les propriétés de l'éthanol sont très proches de l'essence, ce qui en fait une solution très facile à mettre en oeuvre à court terme. L'éthanol a des qualités...mais aussi des défauts...
Ses qualités ? Il a un bon indice d'octane qui permet aux moteurs de fournir une puissance même supérieure à celle de l'essence, tout en gardant les mêmes caractéristiques de fonctionnement, il est issu de l'agriculture (maïs, canne à sucre...) et son bilan CO2 est presque neutre entre le CO2 absorbé par la photosynthèse de la plante et celui émis par sa combustion.
Ses défauts ? Une voiture qui fonctionne à l'éthanol consomme près de 30% de plus, le bilan CO2 du champ à la roue n'est finalement pas neutre pour l'environnement en raison des émissions liées à sa fabrication et à son transport, mais le défaut principal est surtout lié aux surfaces agricoles qu'il serait nécessaire de lui consacrer : la totalité des surfaces cultivables en france ne suffirait pas à produire assez d'éthanol pour alimenter le parc français ! Sans compter l'apport d'eau et d'engrais nécessaire...
Peut-on imaginer devoir arbitrer à l'échelle de la planète entre agriculture destinée à nourrir les individus et agriculture destinée à nourrir nos voitures. Déjà, les cours du maïs ont atteint des records au Mexique, en raison justement de tensions sur la production d'éthanol, et ce alors que le maïs est l'ingrédient de bas de la nourriture méxicaine...vous le voyez, tout se complique... et il n'existe vraiment pas de solution miracle.
D'autres pistes existent : l'hybride essence/electricité en est une, très à la mode aujourd'hui mais dont les effets et la diffusion demeurent peu importants.
2. Les avancées technologiques
Il est beaucoup moins "vendeur" de parler des progrès techniques de l'automobile dans les médias que d'évoquer ses émissions polluantes. Et pourtant, que de progrès accomplis depuis 30 ans ! Apparition de l'injection, de l'électronique moteur, du catalyseur, du filtre à particules, etc, etc...aujourd'hui encore, les technologies progressent et c'est dans ce domaine que l'on peut certainement trouver les plus sérieuses sources d'économie d'énergie et de réduction des émissions.
Les moteurs diesel ont atteint des rendements incroyables : par exemple, la nouvelle Classe C 320 CDI de Mercedes : 224 CH. 0 à 100 km/h en 7.1 sec, 250 km/h de vitesse de pointe (sur circuit biensûr !). Consommation mixte : 7.1 l/100 km !
Les moteurs essence ne sont pas en reste et leur potentiel de progrès reste important. On estime que leur rendement pourrait fortement s'améliorer dans les années qui viennent, avec en particulier le downsizing, qui consiste à réduire la cylindrée et à ajouter des systèmes de suralimentation afin de réduire la consommation. Il existe déjà des moteurs de 1.4l de cylindrée qui développent plus de 150 chevaux et qui consomment moins de 9 litres en cycle mixte...
L'injection directe permet aussi des économies de carburant pas une meilleure combustion du mélange. Sans rentrer dans les détails techniques, on parle aussi de cycle variable, ou encore de suppression de l'arbre à came, qu serait remplacé par un système de commande de soupapes par électro-aimant et permettrait de réduire les frottement et donc ...la consommation. En bref, les innovations technologiques permettent d'espérer réduire de 20 à 30% la consommation des moteurs par rapport à aujourd'hui d'ici une dizaine d'années. Voilà de quoi faire baisser la consommation de carburant pour un parc de véhicules identique voire en légère augmentation, et ce à condition que l'ensemble du parc mondial soit concerné par ces technologies et non pas uniquement certains pays riches : c'est bien là que se situe l'enjeu environnemental des années à venir. Il est difficile d'expliquer aux pays émergents de ne pas suivre notre exemple et de se passer de voitures sous prétexte que ce n'est pas bon pour la planète : pourquoi eux et pas nous ?
Il est également vain de se fixer des normes inaccessibles en Europe, si nous ne représentons que quelques % des émissions et que de l'autre côté du globe on pollue sans restriction... : il faut, je ne le répèterai jamais assez, considérer le problèmes de la pollution et du progrès technique de manière globale pour espérer influer sur le bilan environnemental global de la planète ! Pour cela, choisissons les technologies ou solution représentant le meilleur rapport coût/diffusion. Et tentons de mettre en place des normes mondiales...
Voilà, j'en ai fini pour cette fois mais nous reviendrons sur ce sujet ô combien important, j'en suis certain. Si les tendances actuelles de l'automobile sont aisément identifiables à 5-10 ans, il faut rester très prudent dans toute tentative de prédiction de l'automobile du futur : il suffit de se replonger 40 ans en arrière dans les années 60 et d'ouvrir les journaux ou ouvrages consacrés à l'automobile de demain pour voir que tout exercice d'anticipation se révèla jusqu'à présent loin, très loin de la réalité...qu'on se le dise...
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