Comment l'expliquer? Difficile. Comment expliquer que j'ai parcouru 700 kilomètres aller-retour en DS de 1958 afin de participer à un embouteillage, au lieu-dit Lapalisse. Comment expliquer que j'ai même payé la somme conséquente de 5 € (!), juste pour avoir le droit de traverser un bourg de 3330 habitants en environ 2h30.Comment expliquer que j'ai consacré mes deux petites journées de libre à ce déplacement improbable, au milieu de presque trois semaines consacrées exclusivement au Mondial de l'auto ?
Et pourtant, je n'aurais manqué cet événement pour rien au monde. Car au delà du plaisir de retrouver un groupe d'amis aussi félés que moi, j'ai passé un week-end de rêve, au sens propre. Oui, ce que nous avons réussi à faire, avec la complicité de la municipalité, des habitants de Lapalisse et de 600 collectionneurs venus pour certains de très loin, je l'ai un jour imaginé dans un de mes rêves un peu fous...
On dit que la seule différence entre les adultes et les enfants est la taille de leurs jouets...Mes jouets à moi, ce sont les voitures populaires, celles des trente glorieuses, de la Nationale 6 et 7, des départs en vacances et de la route du soleil. Des jouets qui laissent une large place à la nostalgie, ce doux parfum d'un passé que l'on a souvent à peine connu, idéalisé et sublimé, dont on a finalement gardé que le meilleur et gommé les défauts. Mon terrain de jeu ? Les routes de France, authentiques et bucoliques, les villes et villages, les paysages, les saisons... un peu comme un livre d'images géant que j'ouvre de temps à autres, comme un livre d'enfant (tiens tiens, nous y revoilà...). Oui, je revendique ma capacité à décrocher de temps en temps, à faire le vide, à me ressourcer, avec dérision, parfois, avec des amis, souvent : comme un marin qui prend la mer, un randonneur qui se lance sur un chemin alpin, un cycliste qui se met en selle, un jardinier qui sort son sécateur ou un cuisinier qui prépare sa recette du dimanche, c'est tout simplement mon jardin, celui qui, avec ma famille proche, recharge mes batteries et me permet d'être le reste du temps aux manettes et dans l'action, sans arrière pensée, parfaitement en phase avec le présent et tourné vers l'avenir...
Bref...où veux-je en venir par ces chemins détournés ? ...Au rêve un peu fou que j'ai eu il y a quelques années...j'avais imaginé, sans trop y croire, que nous pourrions trouver un lieu, sorte d'Utopie moderne, quelque part en France, avec des routes, un village authentique, un peu de campagne autour, et que nous le transformerions avec l'aide des autorités, des habitants et de collectionneurs en terrain de jeu géant, avec ses figurines, ses voitures, ses camions, ses maisons, ses commerces, etc...une sorte de reconstitution un peu irréelle d'un petit morceau des France du milieu des années 60, comme si nous avions enfin réussi à faire fonctionner la machine à remonter le temps tout en ouvrant un coffre à jouets géant...
Un rêve un peu fou ? Pas totalement, car ce que j'ai eu la chance de vivre à Lapalisse y ressemble étrangement. Jugez plutôt : un bourg sur la N7 qui n'a pas connu de profond changement de physionomie depuis 50 ans. De vrais gendarmes qui dévient la circulation à l'entrée de la ville, quelques kilomètres de route réservés, 600 véhicules en tous genres qui convergent vers ce point de rassemblement : voitures, tracteurs, camions, motos, tous (ou presque) antérieurs à 1970, des participants plus vrais que nature avec tenues d'époques, galeries et bagages sur le toit, des gendarmes à vélo en en moto (faux cette fois ci !), des commerçants complices et un parcours en boucle grâce auquel les deux sens de circulation se sont progressivement remplis avec nos véhicules, ce qui a d'ailleurs engendré pour le coup un véritable embouteillage...
Et là, tout à coup, le réel a laissé la place à l'imagination. Un épicier en HY Citroën ouvre son étal (factice, mais quelle importance ?), une femme en robe Vichy fait du stop au bord de la route...elle se rend certainement à St Tropez. Un tracteur sur le chemin de la ferme se trouve bientôt englué au milieu de ces centaines de vacanciers qui pestent chaque année à la même époque contre cette autoroute promise depuis des années et toujours pas ouverte, des scooters passent en pétaradant, une Cadillac se gare sur le bas côté...problème de chauffe du radiateur. Deux gendarmes en BMW s'arrêtent pour tenter de régler la circulation, sans succès. Bientôt une 403 tirant une petite caravane se range sur une aire de stationnement afin que la petite dernière puisse se dégourdir les jambes. Au loin, une Mustang glougloute tranquillement tandis que son Blaupunkt déverse les notes d'un tube d'Elvis. Télévision et presse régionale sont là et relatent l'événement dans le plus pur style ORTF.
Quant à moi, quel est mon rôle aujourd'hui ? Je suis au volant d'une DS noire, accompagné par deux énergumènes qui n'ont pas l'air commodes...des tontons flingueurs façon Audiard ? Des banquiers pressés ? Une star de cinéma et ses gardes du corps ? Deux ministres et un préfet ? A vous d'imaginer la suite...
Alors, avez vous lu ce qui précède avec incrédulité ? Ou bien avez-vous l'espace d'un instant cru à mon histoire ? Une histoire pas totalement vraie ni totalement inventée, une histoire qui n'appartient pas plus au passé qu'au présent...une histoire aussi simple que difficile à raconter... Bref, si ce qui précède a réveillé l'enfant qui sommeille en vous, alors n'hésitez pas, rendez-vous en octobre 2012 à Lapalisse et surtout n'oubliez pas d'emmener vos plus beaux jouets...
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Retrouvez en suivant ce lien quelques photos de ce week-end hors du commun...