1938-2008 : Le centre d'essais de La Ferté-Vidame a très exactement 70 ans...c'est l'occasion pour nous de retracer brièvement l'histoire de ce site étroitement lié au destin de Citroën. C'est en effet ici, derrière des murs de 2 mètres de haut, et dans le secret le plus absolu, que la marque aux chevrons allait mettre au point tous les modèles mythiques que nous connaissons aujourd'hui, comme la 2 CV, la DS, la SM, le Type H, mais aussi bien d'autres qui ne dépasseront pas le stade de prototype...
Personne ne se douterait, en flânant dans cette belle campagne aux confins du Perche et de la Normandie, à un peu plus de 100 kilomètres de Paris, que se trouve ici un des sites les plus secrets de France, où sont testés encore aujourd'hui de nombreux véhicules de la gamme Peugeot et Citroën, précisément les plateformes 1 (type 207, C3, ...) et 3 (407, C5...) du constructeur français. Avant de devenir un centre d'essais du groupe PSA, La Ferté Vidame fut pendant des décennies une propriété de Citroën, associée à l'histoire de la marque dont de nombreux chapitres débutèrent derrière ces hauts murs...
Un site unique en France
Le site de La Ferté Vidame est tout simplement la propriété close de murs non traversée par une route publique la plus grande de France :d'une superficie de plus de 800 hectares, son mur d'enceinte d'environ 2m15 de haut mesure 11,5 km de long. Composé d'un château, d'une ferme et d'immenses étendues de forêt, le site accueille des meetings aériens et automobiles au début du XXième siècle. Il fut même question de le transformer en complexe dédié aux sports mécaniques en 1923, mais c'est finalement Monthléry qui fut choisi.
Citroën avait également imaginé l'acheter pour en faire son Centre d'essai, mais c'est finalement Michelin, propriétaire de l'entreprise depuis 1935, qui en fit l'acquisition en 1938. Un lieu aussi secret ne pouvait en effet laisser indifférente une société dont la discrétion est une véritable marque de fabrique.
Un secret absolu
Très vite, La Ferté Vidame va accueillir les premiers prototypes, ainsi que les premiers modèles de présérie de la TPV (tout petit véhicule). La guerre arrive l'année suivante, et le personnel s'efforce de cacher ce qui peut l'être. C'est ainsi que 3 exemplaires de cette première version de la 2 CV, qui n'a rien en commun avec le modèle que nous connaissons tous, seront épargnées de la destruction (volontaire) et arriveront miraculeusement jusqu'à nous : en 1997, elles seront sorties des granges de La Ferté où elle avaient vraisemblablement été remisées après guerre...
Le site de la Ferté jouissait d'un statut très particulier au sein de la Société Anonyme des Automobiles Citroën. Sa gestion était assuré exclusivement par l'économe en Chef de Citroën, Monsieur Clerc. Un secret absolu est maintenu par les employés travaillant sur place, mais également par les habitants qui signalaient volontiers les rôdeurs et autres journalistes à la recherche de scoops...L'entrée était soumise à un contrôle sévère, même pour les cadres de Javel ! On raconte même que certains prototypes de l'ère Citroën furent testés dans le plus grand secret après le rachat par Peugeot, sans que ce dernier n'en soit informé...en particulier le fameux hélicoptère dont nous reparlerons prochainement...
Une lente évolution
La configuration du site a profondément évolué depuis les années 40. La toute première piste d'essai était...la cour intérieure de la ferme. Tout autour, les granges et remises servaient d'abris pour les prototypes. Rapidement, un premier circuit routier fut créé, en utilisant des "percées" existantes (la ligne de la Simonnerie, partiellement pavée, la ligne de Neuilly, goudronnée, et la ligne de Bourgneuf, bosselée. C'est le "Triangle colonial" sur lequel les essayeurs parcouraient jusqu'à 750 km par jour. C'est sur ce circuit que furent en particulier mises au point les suspensions de la 2 CV et celles de la Traction Oleo.
Puis, durant les années 60, furent crées d'autres circuits , comme le Bel AIr ou le Parc. On y ajouta également des hangars pour y abriter des ateliers techniques, puis un complexe corrosion, une soufflerie... Conscient du potentiel extraordinaire de cet outil de travail distant de seulement 100 km de Paris et à une heure environ du Centre Technique de Vélizy, PSA décide d'y faire de lourds investissements dans les années 90 afin de le moderniser. La piste d'endurance, d'une longueur de 6,5 km est finalisée en 1996. Différents types de circuits reproduisent toutes les conditions de route, y compris les zones urbaines, avec ralentisseurs, ronds-points et feux tricolores...
La Ferté Vidame aujourd'hui
Aujourd'hui, La Ferté Vidame connaît une activité intense. Les ateliers ne désemplissent pas. Une annexe du Centre de Style a même été crée. Les tests effectués sur les véhicules ainsi que les kilomètres parcourus n'ont jamais été aussi nombreux, qualité oblige. Les pistes servent indifféremment aux modèles Peugeot ou Citroën : seul le cahier des charges technique diffère...On y trouve non seulement des prototypes, mais aussi des modèles de série, prélevés sur la chaîne afin de vérifier la conformité de la production au cahier des charges initial. Toute la journée, les "rouleurs" se succèdent sur la piste, enchaînant les virages, additionnant les kilomètres, dans un sens, puis dans l'autre, afin que le véhicule ne s'use pas que d'un côté...Un métier de passion, mais plus dur qu'on ne l'imagine...
Conclusion
70 ans d'existence...et une contribution unique au mythe Citroën. Pourtant, il existe très peu de témoignages historiques de la Ferté Vidame, et pour cause : personne n'a envie de trahir les secrets de toute une vie et ce n'est que très timidement que certains anciens ont accepté de témoigner. On peut citer en particulier le plus connu d'entre eux, Monsieur Terrasson, malheureusement décédé il y a peu, qui livra des histoires passionnantes sur les essais de l'époque et prit également une des seules, voire la seule photo sur les pistes, à la volée et à l'abri des regards, entouré de trois prototypes de TPV. Une photo qui aurait valu à son auteur un renvoi immédiat, et qui resta de ce fait longtemps cachée : certes, le document est exceptionnel, mais il constitue une transgression qui ne serait pas plus acceptable aujourd'hui qu'il y a 70 ans...merci quand même, Monsieur Terrasson...
bonjour
bravo pour cet article très documenté
j'ai eu l'occasion de rencontrer monsieur Terrasson à l'occasion de l'expo Bertoni à Antony. C'était impressionnnant d'imaginer que la personne qui me parlait était sur l'unique photo prise avec le proto de la 2 cv à la Ferté Vidame
Amitiés
Gérard
Rédigé par : gerard guérit | 10 septembre 2008 à 23:11
Bonjour,
Très beau récit et très bien dit !
J'ai eu la chance de pouvoir rouler avec ma 2 cv A de 1951 sur le circuit "ville" et pu tester les 2 autres cicuits, ce fut très interressant pour moi qui me passionne pour tous ces grand mistères CITROEN !
Bien à vous tous.
Olivier.
Rédigé par : DELIEUX olivier | 20 octobre 2011 à 21:18